Preuves relatives à l'activité sexuelle du plaignant

De Le carnet de droit pénal
Cette page a été mise à jour ou révisée de manière substantielle pour la dernière fois November 2023. (Rev. # 18701)

Principes généraux

Voir également: Antécédents sexuels du plaignant (avant le 13 décembre 2018), Obligation de la Couronne de divulguer, Divulgation de documents de tiers, Admission de preuves d'activité sexuelle pour infractions sexuelles, et Production de Dossiers pour infractions sexuelles

L'article 276 du Code Criminel est une règle d'exclusion de la preuve interdisant à toute partie de présenter des preuves d'activité sexuelle d'un plaignant qui ne font pas partie d'une infraction criminelle au motif qu'elles peuvent être utilisées pour étayer des inférences interdites liées à l'activité sexuelle de la victime.

Applicable à la défense et à la Couronne

La règle d'exclusion énoncée à l'art. 276 obligera la défense et la Couronne à s'adresser au juge du procès avant de pouvoir présenter des preuves d'activité sexuelle.[1]

Éléments de la règle

La règle d’exclusion prévue à l’art. 276 peut être décomposé en trois éléments à prendre en compte :[2]

  • infraction reprochée
  • objet
  • but

Il est considéré rare qu’une activité sexuelle antérieure ait une incidence quelconque sur la conclusion selon laquelle l’infraction sexuelle n’a pas eu lieu.[3]

Objectif

L’intention du Parlement en adoptant cette disposition était de répondre aux conclusions de « R c. Seaboyer » en ce qui concerne la fausse pertinence des activités sexuelles antérieures.[4]

L’objectif des principes de Seaboyer est de protéger « la dignité, l’égalité et les droits à la vie privée d’un plaignant ».[5] Cette protection existe au-delà du procès et inclut le processus d'appel et potentiellement au-delà.[6]

Principes de justice fondamentale

Les principes de justice fondamentale comprennent trois objectifs de l'art. 276 : [7]

  1. « protéger l’intégrité du procès en excluant les éléments de preuve trompeurs »
  2. « protéger les droits de l’accusé, ainsi qu’encourager la dénonciation des violences sexuelles » et
  3.  protéger la « sécurité et la confidentialité des témoins » »
Contexte nécessaire

L’article 276 n’est pas une « exclusion générale des éléments de preuve d’autres activités sexuelles » et ne devrait pas laisser au juge des faits une « impression trompeuse » de la relation entre les parties.[8]

Lorsque l’article 276 n’est généralement pas disponible Accusé

Lorsque la défense de l'accusé consiste à nier que l'activité sexuelle ait jamais eu lieu, l'utilisation de la preuve visée par l'art. 276 sera « rarement » possible.[9]

Divulgation accidentelle de dossiers en vertu de l'article 276

Les avocats de la défense ne sont pas autorisés à posséder des dossiers en vertu de l'article 276 ni à les utiliser sans avoir au préalable présenté une demande. Lorsqu'ils ont été obtenus illégalement, ils doivent être restitués et faire l'objet d'une demande. Les dossiers ne peuvent pas être utilisés pour justifier l'octroi de la demande.[10]

  1. R c Barton, 2019 SCC 33 (CanLII), [2019] 2 SCR 579, par Moldaver J, au para 80 ("...s. 276(1), which confirms the irrelevance of the “twin myths”, is categorical in nature and applies irrespective of which party has led the prior sexual activity evidence. Thus, regardless of the evidence adduced by the Crown, Mr. Barton’s evidence was inadmissible to support either of the “twin myths”.")
    R c Goldfinch, 2019 SCC 38 (CanLII), 380 CCC (3d) 1, per Karakatsanis J, au para 75 ("I note that Crown counsel would not have adduced this evidence but for the s. 276 application, which I have concluded should not have been granted. While the parties did not have the benefit of this Court’s recent holding in Barton, I would reiterate that Crown-led evidence of prior sexual activity must be governed by the principles set out in s. 276(1) and Seaboyer (Barton, at paras. 68, 80 and 197)")
  2. R c MT, 2012 ONCA 511 (CanLII), 289 CCC (3d) 115, par Watt JA, au para 29
  3. , ibid., au para 41
    R c Darrach, 2000 CSC 46 (CanLII), [2000] 2 RCS 443, per Gonthier J, au para 58
  4. , ibid., au para 33
  5. R c Delmas, 2020 ABCA 152 (CanLII), 64 CR (7th) 71, au para 46, par curiam (2:1) ("The purpose of the Seaboyer common law principle ..., and s 276 is to protect “a complainant’s dignity, equality and privacy rights,”")
  6. R c. Davies, 2022 BCCA 103 aux paragr. 1 et 2
  7. Darrach, supra, au para 25
  8. R c Temertzoglou, 2002 CanLII 2852 (ON SC), [2002] OJ No 4951 (O.S.C.), par Furest J
  9. R c Kulasingam, 2019 ABCA 6 (CanLII), par curiam, au para 8 (" Evidence of prior sexual activity will rarely be relevant to support a denial that sexual activity took place:" citing Darrach, supra, au para 58)
  10. R c Gray2015 ONSC 3284(*pas de liens CanLII)

Preuve d'activité sexuelle du plaignant

L'article 276(1) du Code Criminel interdit la preuve d'une conduite sexuelle antérieure lorsqu'elle est utilisée pour tirer des conclusions générales interdites. Ces inférences sont connues sous le nom de « mythes doubles » ou « doubles mythes », qui se résument ainsi : « les femmes impudiques sont plus susceptibles de consentir à des rapports sexuels et, en tout état de cause, sont moins dignes de foi » [1]

Les mythes englobent également la croyance selon laquelle la plaignante en matière d’agression sexuelle a une plus grande tendance à inventer des histoires, ce qui n’est pas soutenu par la loi.[2]

L’article stipule :

Preuve concernant le comportement sexuel du plaignant

276 (1) Dans les poursuites pour une infraction prévue aux articles 151, 152, 153, 153.1 ou 155, aux paragraphes 160(2) ou (3) ou aux articles 170, 171, 172, 173, 271, 272 ou 273, la preuve de ce que le plaignant a eu une activité sexuelle avec l’accusé ou un tiers est inadmissible pour permettre de déduire du caractère sexuel de cette activité qu’il est :

a) soit plus susceptible d’avoir consenti à l’activité à l’origine de l’accusation;

b) soit moins digne de foi.

[omis (2), (3), and (4)]
L.R. (1985), ch. C-46, art. 276L.R. (1985), ch. 19 (3e suppl.), art. 121992, ch. 38, art. 22002, ch. 13, art. 132018, ch. 29, art. 212019, ch. 25, art. 100
[annotation(s) ajoutée(s)]

CCC (CanLII), (Jus.)


Note: 276(1)

Doit se rapporter à des mythes

Lorsque l'objet de la preuve ne touche pas aux deux « mythes », la règle d'exclusion ne s'applique pas.[3]

Exclusion autre que les mythes des jumeaux

Cet article prévoit également que même si la preuve contestée n'est pas utilisée en violation des mythes des jumeaux, elle peut toujours être irrecevable lorsque la valeur probante n'est pas suffisamment « significative » pour l'emporter sur des considérations concurrentes.[4]

  1. R c Seaboyer, 1991 CanLII 76 (CSC), [1991] 2 RCS 577, par Juge McLachlin, au p. 386
    R c MM, 1999 CanLII 15063 (ON SC), [1999] OJ No 3943 (SCJ), par Juge Langdon, au para 19
    R c MT, 2012 ONCA 511 (CanLII), 289 CCC (3d) 115, par Watt JA, au para 32
  2. R c G(A), 2000 CSC 17 (CanLII), [2000] 1 RCS 439, per Juge L’Heureux-Dubé, au para 3
  3. R c MT, 2012 ONCA 511 (CanLII), 289 CCC (3d) 115, par Watt JA, au para 32
  4. , ibid.

Preuve de réputation sexuelle

L'article 277 interdit en outre l'utilisation de preuves de « réputation sexuelle » pour contester ou renforcer la crédibilité :

Preuve de réputation

277 Dans des procédures à l’égard d’une infraction prévue aux articles 151 [contacts sexuels], 152 [incitation à des contacts sexuels], 153, 153.1 ou 155, aux paragraphes 160(2) ou (3) ou aux articles 170, 171, 172, 173, 271, 272 ou 273, une preuve de réputation sexuelle visant à attaquer ou à défendre la crédibilité du plaignant est inadmissible.

L.R. (1985), ch. C-46, art. 277L.R. (1985), ch. 19 (3e suppl.), art. 132002, ch. 13, art. 142019, ch. 25, art. 101

CCC (CanLII), (Jus.)


Note: 277

Cette interdiction prévue à l'art. 277 est absolue et ne souffre aucune exception.[1] Elle vise la preuve de « réputation » et non les faits réels.[2]

  1. R c Brothers, 1995 ABCA 185 (CanLII), 99 CCC (3d) 64, per Russell JA, au para 26
  2. , ibid., au para 27

Constitutionnalité

Constitutionnalité des art. 276 et 277

Les aspects procéduraux et substantiels de l'art. 276 ne violent pas l'art. 7 ou 11d)du Charte canadienne des droits et libertés.[1] Il a toutefois été observé que l'art. 276 « ne peut être interprété de manière à priver une personne d'une défense équitable ».[2]

L'article 277 ne viole pas l'art. 7 ou 11d) de la Charte.[3]

Rétrospectivité des modifications du projet de loi C-51

Les modifications sont de nature procédurale et n’ont aucune incidence sur les droits substantiels.[4]

Constitutionnalité des modifications du projet de loi C-51

Les modifications du projet de loi C-51 font l’objet de diverses contestations. La plupart des tribunaux les jugent constitutionnels.[5]

  1. Darrach, supra
  2. R c Crosby, 1995 CanLII 107 (CSC), [1995] 2 RCS 912, per Juge L'Heureux‑Dubé, au para 11
  3. R c. Seaboyer; R c Gayme, 1991 CanLII 76 (CSC), [1991] 2 RCS 577, par Juge McLachlin
  4. R c RMR, 2019 BCSC 1093 (CanLII), 56 CR (7th) 414, au para 5
  5. Constitutionnels :
    R c AC, 2019 ONSC 4270 (CanLII), 439 CRR (2d) 360, par Juge Sutherland
    R c FA, 2019 ONCJ 391 (CanLII), 56 CR (7th) 182, par Juge Caponecchia
    Inconstitutionnels :
    R c AM, 2019 SKPC 46 (CanLII), 56 CR (7th) 389, par Juge Henning

Infraction reprochée

Les infractions applicables sont énumérées à l’art. 276(1) comme consistant en :

En plus des accusations énumérées, les protections de l'art. 276 s'appliquera également à toute accusation ayant « un lien quelconque » avec une infraction énumérée.[1]

  1. R c Barton, 2019 CSC 33 (CanLII), [2019] 2 RCS 579, par Moldaver J, au para 76 (« ... j’estime que le régime de l’art. 276 s’applique à toute poursuite où il existe un lien entre l’infraction reprochée et une infraction énumérée au par. 276(1), même si le document d’inculpation n’en fait aucunement mention.. ... »)

Objet applicable

L'article 276 s'applique aux actes sexuels antérieurs consistant en « [p]reuves ... que le plaignant a participé à une activité sexuelle autre que celle qui fait l'objet de l'accusation, que ce soit avec l'accusé ou avec toute autre personne personne."[1] Cela comprend les actes sexuels qui se produisent dans les moments précédant l'agression sexuelle alléguée.[2] Cela peut également inclure une activité sexuelle survenant après les événements en cause.[3]

Le fait que la plaignante ait déjà formulé des allégations d'abus sexuel contre une autre personne n'est pas admissible pour établir un faux schéma d'accusations ou pour affaiblir la plaignante, à moins que les autres allégations n'aient été rétractées ou démontrées comme étant fausses.[4]

Cet article n'interdit pas à la plaignante de témoigner qu'elle est vierge, car il s'agit d'une question de fait physique et non d'une « activité sexuelle ». Une telle preuve est toutefois interdite en vertu de l'art. 277 ne soit utilisé pour renforcer la crédibilité.[5] Elle peut comprendre des activités générales à caractère sexuel, comme la communication à des fins de prostitution.[6]

Communications

L'article 276(4) ajoute à la définition de « activité sexuelle » les communications qui :

  1. ont été faites à des fins sexuelles ou
  2. ont un contenu de nature sexuelle.

L'article stipule :

276
[omis (1), (2) and (3)]
Précision

(4) Il est entendu que, pour l’application du présent article, activité sexuelle s’entend notamment de toute communication à des fins d’ordre sexuel ou dont le contenu est de nature sexuelle.

L.R. (1985), ch. C-46, art. 276L.R. (1985), ch. 19 (3e suppl.), art. 121992, ch. 38, art. 22002, ch. 13, art. 132018, ch. 29, art. 212019, ch. 25, art. 100

CCC (CanLII), (Jus.)


Note: 276(4)

Autres formes d'« activité sexuelle »

Elle comprend également les activités suivantes de la plaignante :

  • discussions et sollicitation pour avoir un « plan à trois » ;[7]
  • baisers passionnés dans la salle de bain ; [8]
  • publication d’images sexuellement explicites sur les médias sociaux;[9]
  • description d’une agression sexuelle subie dans le passé;[10]
  • participation à une conversation sexuelle en ligne avec un inconnu;[11]
  • présence d’équipement BDSM utilisé par le plaignant.[12]

Déclarations quant à l’absence d’activité sexuelle, comme la déclaration selon laquelle la plaignante est vierge, sera probablement visée par l'art. 276.[13]

Les activités solitaires de nature sexuelle, comme le visionnement de pornographie, peuvent constituer une « activité sexuelle ».[14]

Non inclus dans les « activités sexuelles »

Les tribunaux ont conclu que les types de preuves suivants ne constituent pas des « activités sexuelles » :

  • discussions sur une activité sexuelle potentielle[15]
  • discussions générales sur la relation du plaignant[16]

L'inactivité sexuelle n'est pas une forme d'activité sexuelle au sens de l'art. 276.[17]

  1. Article 276(2)
  2. R c DRS, 1999 ABQB 330 (CanLII), 247 AR 315, per Lee J, au para 19
    R c Silva, 1994 CanLII 4673 (SK CA), 31 CR (4th) 361, par Wakeling JA, au para 33
  3. R c RSL, 2006 NBCA 64 (CanLII), 209 CCC (3d) 1, par Richard JA
    R c Van Oostrom, [1993] OJ No 1084(*pas de liens CanLII) - re « contacts sociaux amicaux continus » et « rapports sexuels consensuels »
  4. R c CC, 2015 ONCA 59 (CanLII), 329 OAC 272, par Pardu JA, au para 32
  5. R c Pittiman, 2005 CanLII 23206 (ON CA), 198 CCC (3d) 308, par Weiler JA, au para 33, Borins JA R c JL, 2015 ONCJ 61 (CanLII), par Murray J, au para 20 ("“sexual activity” can be comprised of any activity which the evidence establishes was done for a sexual purpose. It need not involve the touching of body parts. It need not be an “invitation” to touching.)
    R c AM, 2017 NBQB 61 (CanLII), par Walsh SCJ, au para 11
    R c NS, 2016 ONCJ 874 (CanLII), par Weagant PCJ, au para 7
  6. R c Drakes, 1998 CanLII 14968 (BC CA), 122 CCC (3d) 498, par Lambert JA, aux paras 16 à 17
  7. R c Zachariou, 2013 ONSC 6694 (CanLII), [2013] OJ No 4899 (SCJ), par Code SCJ -- appel rejeté 2015 ONCA 527 (CanLII), par curiam
    Drakes, supra
  8. , ibid.
  9. R c JI, 2015 ONCJ 61 (CanLII), [2015] OJ No 703 (Ont. C.J.), par Murray PCJ
  10. , ibid.
  11. , ibid.
  12. R c Boyle, 2019 ONCJ 516 (CanLII), par Doody J
  13. R c RV, 2019 CSC 41 (CanLII), 378 CCC (3d) 193, per Karakatsanis J, au para 81
  14. R c DCS, 2022 ABPC 223 (CanLII), au para 18
    R c RI, 2021 ONSC 3236 (CanLII) (hyperliens fonctionnels en attente)
    R c DM2019 ONSC 3895(*pas de liens CanLII)
  15. R c Langan, 2019 BCCA 467 (CanLII), 383 CCC (3d) 516, par Juge en chef Bauman, aux paras 118 à 119 - confirmé à 2020 CSC 33 (CanLII)
  16. , ibid., aux paras 106 à 109
  17. R c Antonelli, 2011 ONSC 5416 (CanLII), 280 CCC (3d) 96, par Himel J

Antécédents

Voir également: Antécédents sexuels du plaignant (avant le 13 décembre 2018)

Le 13 décembre 2018, les articles 276.1 à 276.5 ont été abrogés par 2018, c. 27 (projet de loi C-51). [1] Le paragraphe 276.1(2) a été modifié pour s'appuyer sur les art. 278.93 à 278.94 au lieu de l'art. 276.1 et suivants. Elle a également ajouté l'exigence de démontrer que « la preuve n'est pas présentée dans le but d'étayer une inférence décrite au paragraphe (1) ». L'article 276.1(4) a également été ajouté.

Voir aussi